la quête du foncier ou le terrain parfait

Si vous envisagez de vous lancer et que vous n’avez pas la chance d’avoir un parent agriculteur ou ancien agriculteur qui peut mettre à votre disposition des terres (prêter, louer, vendre…), alors je vous prédis quelques nuits blanches.

La recherche

Je cherche depuis quelques mois (années presque) activement et même frénétiquement depuis quelques semaines… et des nuits blanches j’en connais quelques unes (par exemple là maintenant pendant que j’écris ces lignes). Chercher en ligne sur internet, surveiller les sites de la safer, répertoire départ installation ou les sites plus ciblés comme terre de liens ou agro-bio, les sites d’annonces privés… C’est un bon début, mais pas suffisant. Les contacts locaux sont indispensables et ça peut être une partie difficile lorsqu’on a pas naturellement tendance à aller taper aux portes : parler aux voisins, aller voir les agriculteurs autour, y retourner régulièrement. Faire des relations publiques en somme. Même avec ça je commence juste à avoir des pistes (dont certaines se sont vites refroidies). Et même là, la patience est de rigueur. Si vous décidez de vous installer sur vos terres natales, vous gagnerez sans doute des points, on ne mesure pas le temps que prends de tisser un réseau de connaissance lorsqu’on s’installe quelque part et la méfiance des autochtones pour les nouveaux arrivants (attention hein ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je suis bien reçu à peu près partout ou je passe, mais ne pas être issu de la même terre reste parfois un frein à la transmission potentielle d’une terre).

Sans capacité agricole point de salut

Il y a aussi le fait d’être le cul entre deux chaises. Je suis inscrit en formation et j’aurai dans quelques mois la capacité agricole, mais l’accès à la terre n’est lui réellement possible qu’après obtention de ce fameux sésame. Pas encore diplômé donc pas prioritaire aux yeux de la safer (qui réglemente la vente des terres agricoles), avec toutefois la nécessité de prévoir une mise en place des cultures ( faire ou acheter les semis, semer, planter) en amont pour pouvoir lancer une première saison dès le diplôme obtenu. Et impossible de préparer cette installation sans avoir la terre et un minimum d’infrastructures en place, comme une serre par exemple… Indispensable en Bretagne. Et une serre ne se pose pas juste comme ça au milieu d’un champ.

Mon diplôme devrait être effectif en juin 2023, si j’accède au foncier à partir de cette date, la saison 2023 sera déjà foutue. Cela signifie que si j’attends ma capacité, je ne pourrais réellement commencer à produire qu’en 2024….

Quand je vous dis que ce n’est pas simple:)

Le « bon plan »

Une dernière solution est de dégoter une terre « dont personne ne veux » (si aucun acheteur prioritaire ne se positionne dessus, alors vous aurez une chance de pouvoir l’acheter ou le louer, mais si personne n’en veut il y a sans doute une raison… ou plusieurs) ou de rencontrer un propriétaire convaincu par votre projet et prêt à vous supporter en vous mettant de la terre à disposition (avec option d’achat à l’obtention de votre diplôme par exemple).

Acheter ou louer ?

Il y a des avantages dans les deux cas. Louer vous permet de vous tester sans investir massivement et de vous déplacer si le terrain ne s’avère pas en accord avec vos productions (c’est mieux de s’en assurer avant de commencer mais bon). Ce la vous permet aussi de démarrer si vous n’avez pas les moyens d’acheter et pas envie de recourir aux banques. En revanche, même si un bail agricole protège relativement bien le locataire, le risque est de devoir en partir contre son gré alors qu’on a massivement investit dans le travail de son sol. Quand on a passé plusieurs années à travailler son sol pour le rendre productif et compatible avec son mode de production ça peut être une très grande perte. Je n’écarte pas la location, mais pour des terres « complémentaires » uniquement, qui me permettrait de faire pâturer les chevaux et produire du foin (pour les chevaux et pour le paillage).

Et donc vous l’aurez compris je suis plutôt favorable à l’achat, en tous les cas pour le socle de l’exploitation qui accueillera les cultures et les bâtiments.

LE terrain

Mon objectif d’essayer d’éviter de recourir aux banques. Ce qui veut dire ne pas acheter une exploitation de 40ha ou plus avec un endettement à vie. Le hic c’est que c’est précisément ce que vendent les agriculteurs qui partent à la retraite (avec des milliers de mètres carrés de bâtiments, des parcs de tracteurs…). Ces mêmes agriculteurs sont peu enclins à morceler l’exploitation en vendant une partie seulement (et c’est compréhensible, une exploitation amputée pourra parfois ne plus être en adéquation avec le bâti et le matériel…). Autant dire que ça ne facilite pas un retour à la paysannerie.

De mon côté le soucis se situe au niveau de la gestion des chevaux. Seul avec un peu de mécanisation je pourrais tout à fait partir sur une petite surface (moins d’un hectare). Mais si je veux intégrer rapidement un cheval de trait (et faire venir mes deux chevaux de loisirs sur l’exploitation) on parle tout de suite de beaucoup plus. Un minimum de 5 ha est à envisager, idéalement entre 8 et 10 serait parfait. Encore une fois tout ça peut se faire progressivement, mais un des gros frein à la traction animale c’est le fait que les parcelles d’une exploitation ne soient pas regroupées. Déplacer les chevaux et leur matériel de quelques kilomètres à chaque intervention sur une parcelle est extrêmement chronophage.

Et puis il y a aussi toutes les autres considérations : orientation du terrain, pente, nature du sol, irrigation… à prendre en compte. Donc même une fois sur la piste d’un terrain, ce ne sera peut-être pas le bon pour des tas de raisons.

En attendant

Un peu épuisé par mes recherches, celles DU terrain idéal, j’ai décidé d’arrêter de me biler et d’essayer de commencer petit et de faire progressif. Plutôt que tourner en rond comme une souris dans son bocal, j’ai décidé de me faire un bac à sable dans le jardin en mode micro-ferme. Donc en cours : préparation de nouvelles zones de cultures. Je vais également agrandir le potager familial. Il y a pas mal de plantations que je n’ai pas lancé à l’automne (nouveaux fruitiers notamment) et que je lancerai sans doute au printemps. Le terrain n’est pas idéal pour plein de raisons, mais le terrain idéal n’existe pas, alors autant commencer maintenant. Ça me laisse environ 3000 m² utilisables en mode découverte (nous avons déjà un potager qui occupe une 100 aine de mètres carrés pas du tout optimisés). Ce site restera en mode permaculture comme une zone de test et d’essais mais au moins ça permet de se concentrer sur le fond de l’affaire. Le plus dur est de devoir attendre de lancer le volet traction… patience.

Ajout de dernière minute

Au moment ou j’écrivais cet article, j’ai été pris d’un petit coup de sang et j’ai décidé de lancer un appel sur le groupe facebook de mon village. J’ai été faible. Et bien j’ai eu des retours et des contacts très sympas. J’ai deux pistes que je suis en train d’explorer avec je l’espère des opportunités à venir. Comme quoi…

Les sites pour la recherche de foncier :

Safer : https://www.safer.fr/

répertoire départ installation : https://www.repertoireinstallation.com/index.php

objectif terres (terre de liens) : https://www.objectif-terres.org/

agrobio : https://www.agribiolien.fr/

L’attraction et le débardage

J’envisage à moyen terme d’intégrer un atelier traction animale dans mon projet. Comme le BPREA(*) que j’ai choisi ne comporte pas de module de ce genre (les centres de formation qui le propose sont rares), je me suis dit qu’une petite initiation ne serait pas du luxe pour valider la piste.

Un Anv tracte entre les arbres

Direction le Haras d’Hennebont (anciennement haras national) pour 5 jours de formation avec Attelage Ar Maner. Au programme, deux jours de débardage dans le parc du Haras, puis une journée de travail de précision pour préparer le travail de la terre que nous ferons le dernier jour et au milieu de tout ça un journée d’attelage (calèche) en simple puis en paire.

Débardage

Tout travail de traction qu’il soit en vu d’atteler ou de tracter des charges commence par du travail en longues rênes. Après avoir passé en revu les différents types de harnachages et préparé les chevaux, nous nous dirigeons vers le manège (le temps n’est pas de la partie pour profiter de la carrière).

travail aux longues rênes avec palonnier

En débardage, le menage en longues rênes se fait sur le côté du cheval, ce qui est assez perturbant les premiers mètres mais se fait vite oublier. Dans un premier temps nous travaillons à vide pour nous concentrer sur la direction et les trajectoires. Nous avons deux chevaux bien mis mais avec des caractères très différents, la traction est en travail en couple (voire plus pour les lourdes charges) et l’accord cheval/homme est important. Certains préféreront des gros chevaux, souvent moins nerveux et plus puissant mais aussi plus lents, d’autres préféreront des chevaux plus légers et plus sanguins qui seront plus rapide mais aussi plus fins à mener (moins adaptés pour les travaux lourds). Nous travaillons avec Vivaldi, un bon gros trait breton au caractère bien trempé mais calme et concentré et avec (j’espère ne pas écorcher son nom breton) Un Anv un breton allégé par du pur sang anglais et du trotteur (on parle de cheval breton f3, il existe aussi des f2… Je n’approfondis pas mais le but est d’alléger le standard pour faire d’autres activités comme de la monte loisir).

Nous avons ensuite ajouté les palonniers et une faible charge (un pneu de voiture) pour simuler un objet tracter. Le menage se complique tout de suite, puisqu’il faut prendre en considération le déport. C’est un peu comme conduire une voiture avec une remorque, si vous coupez les virages, la remorque roule dans le fossé. La direction d’un cheval à notre niveau n’étant pas encore tout à fait au rendez vous, la concentration est de rigueur.

Le second jour nous avons pu passer aux choses sérieuses avec de vraies charges, en déplaçant une partie des coupes d’arbres stockées dans le Haras pour les rassembler. Le travail est le même que la veille mais avec de la transpiration en plus. Le travail en extérieur est plus fin mais les chevaux sont plus concentrés, pour eux c’est quand même plus sérieux que les pneus de voiture et les cônes orange.

Maraîchage

le 3 ème jour retour dans le sable, de la carrière cette fois, pour des exercices de menage un peu plus fins. Les cônes simulent les rangs de poireaux. Beaucoup de répétitions pour arriver à mener sans scalper les poireaux, ça n’a l’ai de rien mais c’est une journée assez intense en concentration. Cannelle a remplacé Vivaldi pour l’exercice.

Cannelle avec son matériel

Attelage

Le 4ème jour c’est une journée tourisme avec des balades en calèche. Je ne suis pas trop féru d’attelage, je trouve qu’il y a un peu trop de matériel et qu’on perd le contact avec le cheval qui est loin devant, mais je dois avouer qu’atteler des gros chevaux comme ça, c’est une sacrée expérience ! La puissance de ces gros nounours semble décuplée par le fait d’être assis en hauteur et de n’avoir comme contact que les rênes. En paire c’est encore plus fort, il faut un gros coeur 🙂

Un Anv et Cannelle en paire

Maraîchage bis

Pour le dernier jour nous sommes reçu au potager de Cosqueric qui nous prête ses rangées de poireaux, des vrais cette fois, pour une mise en pratique. La chance nous tourne un peu le dos pour cette dernière journée : le temps est pourri et la jugement de trait est blessées. Nous harnachons Kior, une petite ponette Shetland, parfaite pour le travail sous serre. Nous faisons une sortie en plein champ pour biner les poireaux mais le sol est lourd et boueux, pas du tout idéal pour l’exercice et Kior s’y fatigue vite. Nous la laissons profiter d’un repos bien mérité.

Binage

Bilan très positif malgré cette dernière journée en demi teinte qui me laisse un peu sur ma faim. Je prends conscience que le travail le plus important n’est pas celui que nous avons fait mais celui qui est fait avant : la formation du cheval avant d’arriver au niveau de finesse auquel nous avons pu travailler avec eux. La formation confirme que l’arrivée des chevaux dans ma future exploitation ne se fera sans doute que dans un second temps et en fonction du foncier auquel je pourrais accéder (aaaah le foncier, sans doute l’objet d’un autre post, voire de nombreux autres…). Je m’interroge aussi sur la manière de faire. En équitation, j’ai pris la décision de prendre un chemin un peu différent de l’équitation classique avec la mise en place d’une approche « éthologique », monte sans mors, pieds nus. Est-ce qu’il ne serait pas possible de suivre ce chemin en traction animale ? J’en rêve en tous les cas.