Utopie versus productivisme

Bon j’ai dit que j’essaierai de tout dire, le bon comme le mauvais, que j’essaierai de traduire ici les questionnements, les tâtonnements, les choses qui m’animent… Le mauvais je l’ai un peu fait dans un article précédent. Les questionnements il y en aura beaucoup, mais déjà ici un peu…

Je suis en ce moment dans une espèce d’entre deux chaises. Et même si choisir la bonne chaise n’est pas encore urgent, il va bien falloir à un moment asseoir une décision et si possible la bonne.

J’explique…

Lorsque je me lance dans mon projet de reconversion, je ne le fais pas en partant de totalement rien. J’ai eu l’occasion (et je continue) de lire des ouvrages, d’expérimenter dans mon jardin, de rencontrer des producteurs, des personnes en cours d’installation… En m’acculturant de la sorte je me suis forcément forgé un avis sur certaines pratiques, certaines orientations… Ce que j’aimerai, ce que j’appliquerai, et au contraire ce dont je ne veux pas, ce qui ne me convient pas… Mais je l’ai fait en tant qu’autodidacte, sans objectif professionnel et sans nécessité de rentabilité. J’ajoute à ça un passé un peu militant du logiciel libre (que j’utilise toujours exclusivement) ce qui fait que, nécessairement, j’envisage ma pratique « agriculturelle » sous un angle plutôt orienté vers la sobriété, l’écologie…

Je m’y attendais mais la logique productiviste et la logique de rentabilité sont celles qu’on nous enseigne en formation. Pour atteindre ses objectifs le maraîcher est aidé, de bâches plastiques de toutes sortes et pour tous usages, de tracteurs, de travail du sol, d’outils, de tuyaux d’irrigation, de forages, de semences améliorées (F1), de la science (plans in vitro), d’engrais… Et clairement d’un point de vue production ça semble marcher. Et sans juger les milliers de personnes qui travaillent avec ces aides matérielles, j’ai parfois l’impression que produire des légumes, même bio, relève plus de la guerre contre la nature. Reste que le plastique et le pétrole sont partout, et qu’il semble que ce soit normal. Encore une fois je ne reproche rien, c’est un constat. Ce qui me semble en revanche plus discutable, c’est que ce ne semble pas être une source de questionnement particulière. La durabilité des matériaux est rarement abordée, leur origine non plus et les alternatives quasiment pas. Par exemple, un tuyaux d’irrigation plastique qui dur 10 ans vaut peut être le coût ? Une bâche de paillage qui vie la durée de la culture en place parait nettement moins responsable, peut importe son prix.

En mon fort intérieur, j’ai parfois l’impression qu’on se trompe, j’ai parfois l’impression que le coût écologique de tout ça est disproportionné. Mais a-t-on le choix ? Est-ce utopique de tenter de produire sans tout ça ?
Peut on se passer d’une serre en Bretagne ? Sans doute pas. À moins de produire uniquement de mai à octobre (et encore beaucoup de choux et de poireaux).

Il y a aussi des personnes qui tentent de faire autrement, de trouver des alternatives, écologiques, économiques, sociales. Mais clairement ce ne sont pas des modèles mis en avant dans le cursus agricole. On trouve pourtant des pistes : en lisant « permaculture » du couple Hervé-Gruyer, en lisant « permaculture » de David Holmgren, en lisant « la révolution d’un brin de paille » de Masanobu Fukuoka. Certains semblent donc y arriver. Est-ce viable ? et d’ailleurs comment définir ce qui est viable ? Le seul indicateur réellement important actuellement semble être la rentabilité économique, le chiffre d’affaire par hectare. Le chiffre d’affaire par unité de main d’œuvre. Le volume produit…

En parallèle de tout ça le constat environnemental est assez angoissant : dérèglement climatique, accroissement des ravageurs, accès à l’eau… sans un minimum de « technologie » ces éléments semblent presque insurmontables.

Alors j’en suis là de mes réflexions. Comment réussir a concilier tout ça ? Produire moins ? Produire autrement ? Et comment ? Produire autre chose ? Produire moins longtemps ? Que faire alors le reste du temps ?

Je sais déjà qu’il me faudra un petit tracteur pour ne pas me tuer à la tache, pour porter les charges ,vu les pentes sur mon futur terrain. Déjà je transige… Une serre sans aucun doute… Et puis après, quoi d’autre ?

(le prochain article sera positif, promis 😀 )

Ça avance !

Je n’ai pas pris le temps de venir écrire depuis quelques semaines maintenant, après un billet mi-figue mi-raisin. Mais ce silence n’est en rien lié à un quelconque découragement, au contraire, il est lié à l’effervescence du moment.

Côté foncier

Ça avance ! J’ai fait une offre pour un terrain à 2,5km de chez moi. C’est un terrain franchement compliqué et avec un travail de préparation (élagage, défrichage…) assez important, beaucoup de pentes… Sans doute pas le choix de la facilité, mais il est beau et bien placé. Le compromis a été signé ce matin ! Les propriétaires sont d’accord pour que j’y accède à partir de là pour entamer le travail de défrichage. Les démarches sont entamées pour la certification bio aussi.
Il y a pas mal de choses à lancer avant de pouvoir attaquer réellement le travail, en particulier la certification bio qui impose de n’avoir touché à rien avant le passage du « certificateur ». Il y a également les démarches administratives obligatoires comme l’autorisation d’exploiter. Et l’insupportable attente des délais de préemption…

Côté formation

Ça avance ! Mes deux premières semaines de stages ont eu lieu. J’ai attaqué par le maraîchage. Je passerai en tout d’ici septembre 4 à 5 semaines chez mon presque voisin Loïc Bernard, « Aux bio légumes ». Les courbatures ont été sévères le week-end suivant mais la semaine a été super avec un temps inespéré. Au programme, plantations d’oignons, désherbage, récoltes (betteraves, épinards, poireaux…) et quelques semis, repiquages.

Aux bio légumes

La semaine dernière j’étais chez Claire Galéron au « sentier des arômes » à Saint-Evarzec pour mon stage Plantes à Parfums, aromatiques et médicinales (PPAM dans le jargon). J’y passerai environ 8 semaines jusque septembre. Nous avons entamé la semaine par un peu de préparation de tisanes avec les dernières récoltes de la saison passée, ensuite nous avons lancé les semis pour la saison et entamé le désherbage. J’ai hâte de retrouver les semis dans quelques semaines pour voir comment ils ont poussé.

Sentier des arômes

La préparation du potager de la maisonnée a bien avancé, nous arrivons bientôt au bout du grelinage et du paillage. Une partie des semis est lancée. Il en manque encore pas mal. Je manque de temps entre stages et cours (et formalités administratives diverses) pour y passer autant de temps qu’il faudrait. Mais tout avance et ça fait bien bien plaisir.

Je fais court pour cette fois, plus d’informations dans quelques jours !

L’attraction et le débardage

J’envisage à moyen terme d’intégrer un atelier traction animale dans mon projet. Comme le BPREA(*) que j’ai choisi ne comporte pas de module de ce genre (les centres de formation qui le propose sont rares), je me suis dit qu’une petite initiation ne serait pas du luxe pour valider la piste.

Un Anv tracte entre les arbres

Direction le Haras d’Hennebont (anciennement haras national) pour 5 jours de formation avec Attelage Ar Maner. Au programme, deux jours de débardage dans le parc du Haras, puis une journée de travail de précision pour préparer le travail de la terre que nous ferons le dernier jour et au milieu de tout ça un journée d’attelage (calèche) en simple puis en paire.

Débardage

Tout travail de traction qu’il soit en vu d’atteler ou de tracter des charges commence par du travail en longues rênes. Après avoir passé en revu les différents types de harnachages et préparé les chevaux, nous nous dirigeons vers le manège (le temps n’est pas de la partie pour profiter de la carrière).

travail aux longues rênes avec palonnier

En débardage, le menage en longues rênes se fait sur le côté du cheval, ce qui est assez perturbant les premiers mètres mais se fait vite oublier. Dans un premier temps nous travaillons à vide pour nous concentrer sur la direction et les trajectoires. Nous avons deux chevaux bien mis mais avec des caractères très différents, la traction est en travail en couple (voire plus pour les lourdes charges) et l’accord cheval/homme est important. Certains préféreront des gros chevaux, souvent moins nerveux et plus puissant mais aussi plus lents, d’autres préféreront des chevaux plus légers et plus sanguins qui seront plus rapide mais aussi plus fins à mener (moins adaptés pour les travaux lourds). Nous travaillons avec Vivaldi, un bon gros trait breton au caractère bien trempé mais calme et concentré et avec (j’espère ne pas écorcher son nom breton) Un Anv un breton allégé par du pur sang anglais et du trotteur (on parle de cheval breton f3, il existe aussi des f2… Je n’approfondis pas mais le but est d’alléger le standard pour faire d’autres activités comme de la monte loisir).

Nous avons ensuite ajouté les palonniers et une faible charge (un pneu de voiture) pour simuler un objet tracter. Le menage se complique tout de suite, puisqu’il faut prendre en considération le déport. C’est un peu comme conduire une voiture avec une remorque, si vous coupez les virages, la remorque roule dans le fossé. La direction d’un cheval à notre niveau n’étant pas encore tout à fait au rendez vous, la concentration est de rigueur.

Le second jour nous avons pu passer aux choses sérieuses avec de vraies charges, en déplaçant une partie des coupes d’arbres stockées dans le Haras pour les rassembler. Le travail est le même que la veille mais avec de la transpiration en plus. Le travail en extérieur est plus fin mais les chevaux sont plus concentrés, pour eux c’est quand même plus sérieux que les pneus de voiture et les cônes orange.

Maraîchage

le 3 ème jour retour dans le sable, de la carrière cette fois, pour des exercices de menage un peu plus fins. Les cônes simulent les rangs de poireaux. Beaucoup de répétitions pour arriver à mener sans scalper les poireaux, ça n’a l’ai de rien mais c’est une journée assez intense en concentration. Cannelle a remplacé Vivaldi pour l’exercice.

Cannelle avec son matériel

Attelage

Le 4ème jour c’est une journée tourisme avec des balades en calèche. Je ne suis pas trop féru d’attelage, je trouve qu’il y a un peu trop de matériel et qu’on perd le contact avec le cheval qui est loin devant, mais je dois avouer qu’atteler des gros chevaux comme ça, c’est une sacrée expérience ! La puissance de ces gros nounours semble décuplée par le fait d’être assis en hauteur et de n’avoir comme contact que les rênes. En paire c’est encore plus fort, il faut un gros coeur 🙂

Un Anv et Cannelle en paire

Maraîchage bis

Pour le dernier jour nous sommes reçu au potager de Cosqueric qui nous prête ses rangées de poireaux, des vrais cette fois, pour une mise en pratique. La chance nous tourne un peu le dos pour cette dernière journée : le temps est pourri et la jugement de trait est blessées. Nous harnachons Kior, une petite ponette Shetland, parfaite pour le travail sous serre. Nous faisons une sortie en plein champ pour biner les poireaux mais le sol est lourd et boueux, pas du tout idéal pour l’exercice et Kior s’y fatigue vite. Nous la laissons profiter d’un repos bien mérité.

Binage

Bilan très positif malgré cette dernière journée en demi teinte qui me laisse un peu sur ma faim. Je prends conscience que le travail le plus important n’est pas celui que nous avons fait mais celui qui est fait avant : la formation du cheval avant d’arriver au niveau de finesse auquel nous avons pu travailler avec eux. La formation confirme que l’arrivée des chevaux dans ma future exploitation ne se fera sans doute que dans un second temps et en fonction du foncier auquel je pourrais accéder (aaaah le foncier, sans doute l’objet d’un autre post, voire de nombreux autres…). Je m’interroge aussi sur la manière de faire. En équitation, j’ai pris la décision de prendre un chemin un peu différent de l’équitation classique avec la mise en place d’une approche « éthologique », monte sans mors, pieds nus. Est-ce qu’il ne serait pas possible de suivre ce chemin en traction animale ? J’en rêve en tous les cas.